Au début du 20e siècle, une petite colonie s’installe sur l’île Clipperton, bout de terre minuscule et isolé au milieu de l’océan Pacifique Nord. Quelques années plus tard, seules onze personnes ont survécu, uniquement des femmes et des enfants. Archipels du crime, le podcast des faits divers des Outre-mer, vous raconte le cauchemar vécu par les habitants de Clipperton.
• Publié le 17 novembre 2023 à 18h46, mis à jour le 17 novembre 2023 à 19h11
Dans l’océan Pacifique Nord, se trouve un atoll corallien. Un mince anneau de terre de 2km2 renfermant en son centre un lagon aux eaux bleutées. Ce minuscule territoire de sept kilomètres carrés au total n’est pas facile à localiser. Sur les cartes, c’est une tête d’épingle située à un millier de kilomètres des côtes du Mexique. Un îlot du bout du monde où flotte le pavillon bleu blanc rouge. Clipperton est une possession française, la seule de la région.
L’île a été abordée pour la première fois en avril 1711 par deux navigateurs français, Michel Dubocage et Mathieu Martin de Chassiron. Leur découverte ayant eu lieu un jour de Vendredi saint, ils nomment le lieu “île de la Passion”. Plus d’un siècle après, la France publie son acte de prise de possession officielle.
Une légende raconte qu’au début du 19e siècle, le corsaire anglais John Clipperton aurait posé un pied sur l’atoll. L’histoire dit même qu’il y aurait enterré un trésor. Aucun document n’a permis de confirmer ce passage mais le nom du flibustier est resté.
Les Français ont longtemps délaissé le petit bout de terre, ouvrant la porte aux convoitises. Si l’atoll n’abrite pas de trésor de pirate, il possède au moins une richesse : le guano. Formé d’amas de fientes d’oiseaux, le guano a la faculté, en contact avec le récif, de produire du phosphate, l’ingrédient essentiel des engrais.
À la fin du 19e siècle, des Américains puis des Britanniques investissent Clipperton pour en exploiter le guano. C’est à cette même époque que le Mexique entre en jeu. Ignorant les prétentions françaises, un navire débarque sur l’atoll le 13 décembre 1897 pour hisser les couleurs du Mexique. Le conflit sur la souveraineté de La Passion est enclenché.
En mars 1906, un navire quitte Acapulco pour rejoindre l’atoll. Ramón Arnaud Vignon, jeune sous-lieutenant fait partie du voyage. Le militaire n’a que 27 ans et est accompagné d’une dizaine de soldats et de leurs familles. Des ouvriers censés exploiter le guano pour le compte d’une société britannique viennent compléter le groupe.
Mais Clipperton ne se laisse pas coloniser si facilement. Les récifs affleurent à marée basse et la houle bat constamment les côtes, débarquer sur l’atoll est très périlleux. Des requins rôdent dans les eaux environnantes. Une fois arrivé sur la terre ferme, survivre est une autre paire de manches. Car l’endroit, dépourvu de végétation, n’offre presque aucune ressource alimentaire à l’exception de ses poissons et de ses oiseaux.
Un phare est érigé, des maisons sont bâties et le village prend vie. Ramón part se marier dans son village natal en juin 1908 et revient deux mois plus tard vivre sur l’île avec Alicia de Rovira, sa jeune épouse. Leur premier enfant naît l’année suivante. Les premières années s’écoulent sans encombre pour la petite colonie. Un navire vient ravitailler la garnison chaque trimestre.
Mais à un millier de kilomètres de là, au Mexique, l’ambiance est bien moins paisible. En 1910, des soulèvements armés éclatent dans le pays contre le président en place, Porfirio Diaz. C’est le début de la révolution mexicaine. Une période de troubles politiques qui ne s’achèvera que dix ans plus tard.
Au milieu de ce chaos, Clipperton est relégué au dernier rang des priorités mexicaines. Malgré l’instabilité de la situation, les supérieurs d’Arnaud le confortent dans sa mission : maintenir la colonie à Clipperton. En janvier 1914, après un voyage vers le continent, le chef promu capitaine revient sur l’île avec deux officiers, neuf soldats et leurs familles.
Un mois plus tard, un terrible ouragan s’abat sur le village détruisant plusieurs baraquements et anéantissant toutes les cultures du potager. Au petit matin, les soldats découvrent qu’un navire s’est échoué sur le récif. Douze personnes sont secourues ce 28 février 1914 dont Jens Jensen, le capitaine de la goélette américaine Nokomis. Au cours des semaines suivantes, le groupe s’évertue à réparer les dégâts causés par l’ouragan et à réorganiser la vie à Clipperton. Mais les esprits s’inquiètent.
Depuis le retour du capitaine Arnaud, les communications se sont raréfiées avec le Mexique. Et la colonie est sans nouvelle du navire censé les ravitailler. Avec les naufragés, ils sont désormais une quarantaine de personnes sur l’atoll. Les mois défilent et les stocks s’épuisent. Des aliments doivent être rationnés. La tension monte.
En juin 1914, le capitaine Jensen envoie trois de ses hommes chercher du secours à bord d’une chaloupe. La mission est quasi suicidaire tant les environs sont difficiles à naviguer. Dix-sept jours après leur départ, ils atteignent Acapulco au bord de l’épuisement. Par chance, un croiseur américain, l’USS Cleveland y est en escale. Le navire appareille le lendemain pour porter secours aux habitants de Clipperton.
Le 25 juin, le Cleveland est accueilli en fanfare par la colonie délaissée. Mais la joie est de courte durée. Le commandant avertit le capitaine Arnaud des troubles qui agitent le Mexique. Selon lui, ils ne seront pas ravitaillés de sitôt. Il propose de les rapatrier vers un port mexicain. Mais le groupe décide de rester sur l’île. Seuls l’équipage du Nokomis, la goélette américaine, plus un agent de la société d’exploitation de guano embarquent sur le Cleveland qui disparaît à l‘horizon le 26 juin 1914.
Les provisions rapportées par le navire américain offrent quelques mois de réserves supplémentaires à la colonie. Mais six mois plus tard, toujours aucun ravitaillement n’est parvenu et les stocks sont de nouveau épuisés. L’espoir est désormais tout ce qui anime l’existence de la trentaine d’oubliés.
Grâce aux poissons, aux oiseaux et à leurs œufs, les insulaires ne meurent pas de faim. Mais tous les autres vivres, légumes et céréales compris, sont rationnés. L’état de santé de certains se dégrade. Le scorbut – cette maladie causée par une carence en vitamine C – s’abat sur la colonie. Les fruits des quelques cocotiers plantés ne suffisent pas à y remédier.
En avril 1915, dix mois après le départ du Cleveland, ils ne sont plus que seize survivants. Et le sort continue de s’acharner. Un cyclone traverse à nouveau l’île.
Se sentant responsable, le capitaine Arnaud broie du noir. À la vue d’un bateau à l’horizon, il embarque avec trois autres hommes dans un canot de sauvetage. L’embarcation danse sur les vagues jusqu’à ce que les hommes en perdent le contrôle et disparaissent.
En mai 1915, ils ne sont désormais plus que onze survivants : quatre femmes, six enfants et un seul homme, Victoriano Álvarez qui va fait vivre un calvaire aux survivantes.
Si le gardien a échappé à la mort, c’est qu’il était malade lorsque les quatre hommes ont embarqué dans la chaloupe. Mais une fois remis sur pied, il comprend rapidement qu’il est désormais le seul homme de l’île. Après s’être emparé de toutes les armes, il se déclare “roi de Clipperton” et ordonne aux femmes une totale soumission.
Pendant des mois, il multiplie les ordres, les coups et les sévices. Les viols aussi précisent certaines sources. Il demande aux femmes de venir vivre avec lui à tour de rôle pour assouvir ses désirs. Altagracia Quiroz, la domestique du couple Arnaud, est sa première victime.
L’une des femmes, Juana Ramirez n’y survit pas. Elle est retrouvée battue à mort par le maître autoproclamé. Il jette ensuite son dévolu sur la jeune Rosalia, 13 ans à peine, puis sur Tirza Cardona. Alicia Arnaud est la seule à y échapper et à tenir tête à Álvarez. Le tyran menace de s’en prendre aux enfants.
Tirza Cardona et Alicia, la veuve du capitaine, décident de l’assassiner. Le 18 juillet 1917, les deux femmes tuent le gardien du phare devenu leur tortionnaire : Victoriano Álvarez. En même temps, un navire apparaît miraculeusement à l’horizon. Un croiseur américain, l’USS Yorktown, vient vérifier si les Allemands n’ont pas installé de base par ici. En cette année 1917, la Première Guerre mondiale bat son plein.
Au fil des questions posées aux trois femmes, les officiers américains prennent conscience du cauchemar vécu par la petite colonie. Ils découvrent aussi le sort réservé au roi autoproclamé dont le corps est abandonné sur place. Le Yorktown reprend la route et ramène les rescapés à Salina Cruz au Mexique.
Là-bas, Alicia Arnaud est accueillie avec émotion par son père qui pensait sa fille morte. Le Mexique est toujours plongé dans la guerre civile mais la veuve du capitaine et sa complice n’échappent pas à la justice. Elles comparaissent devant le tribunal de Salina Cruz pour le meurtre d’Álvarez. Les juges reconnaissent finalement qu’elles ont agi en état de légitime défense et décident de les acquitter.
Alicia Arnaud ne réussira jamais à tourner la page de cette tragédie. Son plus jeune enfant ne se remettra jamais de ses premières années de malnutrition et mourra en 1918. La mère de famille découvrira que les économies qu’elle avait emportées sur l’île n’ont désormais plus aucune valeur. Elle entamera des démarches pour que les veuves et orphelins de Clipperton reçoivent les arriérés de solde des militaires de la garnison ainsi qu’une pension. Mais aucune de ses demandes n’aboutira. Elle-même succombera à une pneumonie le 20 janvier 1924, laissant derrière elle ses trois enfants âgés de 13, 11 et 9 ans.
Ni le capitaine Arnaud ni ses officiers ne recevront de reconnaissances militaires. Et le Mexique continuera de revendiquer l’île de la Passion. Jusqu’à ce que l’arbitrage international ne mette fin à ses prétentions. En 1931, la souveraineté de la France sur l’île de Clipperton est reconnue après trois décennies de conflit entre les deux pays.
Retrouvez ici les autres épisodes d’Archipels du crime, consacrés aux grands faits divers qui ont marqué les Outre-mer.
La tragédie des oubliés de Clipperton, un podcast écrit par Émeline Ferard et raconté par Rébecca Chaillon.
Recherche et écriture : Léia Santacroce
Réalisation, montage et mixage : Karen Beun et Samuel Hirsch
Musique et sound-design : Samuel Hirsch
Production et direction éditoriale : Elisa Mignot
Production déléguée : Marc Sillam
Conseiller éditorial Outre-mer la 1ère : Patrice Elie-dit-Cosaque
Production originale : Initial Studio avec la participation de France Télévisions
Durée 25 min – © 2023
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