Michel Moatti a longtemps vécu en Angleterre, il y était correspondant pour l’agence de presse Reuters. Il en a rapporté un certain intérêt pour les faits étranges ou insolites d’outre-Manche : l’affaire du petit garçon tué par deux adolescents à Liverpool, la tristement célèbre histoire de Jack L’Éventreur, le tueur du blitz londonien… Fidèle aux éditions bordelaises Hervé Chopin, les polars historiques…

Michel Moatti a longtemps vécu en Angleterre, il y était correspondant pour l’agence de presse Reuters. Il en a rapporté un certain intérêt pour les faits étranges ou insolites d’outre-Manche : l’affaire du petit garçon tué par deux adolescents à Liverpool, la tristement célèbre histoire de Jack L’Éventreur, le tueur du blitz londonien… Fidèle aux éditions bordelaises Hervé Chopin, les polars historiques de Moatti sont tous disponibles en format poche chez 10/18, dans la collection Détective. « Tu n’auras pas peur », première enquête de la web-journaliste Lynn Dunsday, a reçu en 2017 le Prix du meilleur roman francophone au Festival polar de Cognac (16).

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Carnets de bord

Évidemment, le mystère autour de la maladie dont Darwin a souffert dès 1831 l’a intrigué. Les premiers symptômes sont apparus durant le voyage du « Beagle ». Moatti a cerné cette énigme selon un processus qu’il maîtrise parfaitement. Une solide documentation constitue l’ossature de ses romans, et de là, son imagination se laisse titiller par le moindre interstice, une vacance, une incertitude de l’histoire, le voilà qui s’emballe et nous emballe.

De Darwin, on dispose d’un autoportrait, réédité dans sa version originelle, avant l’expurgation prudente de proches à son décès, et rétablie par sa petite-fille, la botaniste Nora Barlow (récemment paru en français). Moatti s’est aussi plongé dans les carnets des compagnons de voyage du naturaliste, notamment ceux du capitaine du « Beagles », Robert FitzRoy. La base d’une trame qui n’attendait que le romancier pour imaginer ce qui n’est pas écrit. Il y aura donc à bord de ce navire d’exploration, par exemple, un policier, missionné pour vérifier que FitzRoy ramène bien chez eux des Fuégiens qu’il avait capturés en Terre de Feu pour en faire de bons chrétiens.

Le créationnisme bousculé

À 22 ans, Charles Darwin est un jeune homme brillant, un brin indécis. Il a commencé des études de médecine puis de théologie. Il herborise, entomologise, géologise… Mais s’il fait tout avec passion et virtuosité, ça ne le mène pas à grand-chose. Aussi se laisse-t-il convaincre d’embarquer sur le « Beagles » pour rédiger des notices – il fait ça parfaitement – pour Robert FitzRoy, qui partage volontiers sa cave à qui sait argumenter

La structure du roman est astucieuse, l’auteur alterne des fragments du journal de Darwin avec ceux d’autres personnages, réels ou non, comme ce cartographe, Moss dont l’invention sert la controverse. Se confronte, dans des dialogues affûtés et réjouissants, tout ce qui fonde les débats d’idées de ce XIX^e, les paradoxes de la religion, la confrontation entre science et théologie, les théories des savants qui privent les dévots du puissant symbole de la création divine, le créationnisme. Les idées se bousculent et s’installent. Le savant prend ses distances avec l’esprit linnéen et l’immuabilité des espèces. Au fond, ce dernier chapitre, titre emprunté à Keith Thomason, spécialiste de Darwin, est en fait un premier chapitre, concentré sur ces cinq années de voyage et l’émergence de celui qui a révolutionné la science.

« Darwin, le dernier chapitre », de Michel Moatti, éd. Hervé Chopin, 464 p., 21 €.