Dans le petit village d’Erp, en Ariège, Yuanyuan Niu, 49 ans, mêle permaculture, cuisine médicinale et tradition chinoise. Ancienne journaliste reconvertie en artisane, elle transforme les plantes sauvages de son jardin en véritables trésors culinaires. À travers son entreprise Tampopo, elle propose des créations végétaliennes, locales et saisonnières, alliant beauté, goût et bien-être. Reportage.
En cette fin juillet, dans le petit village d’Erp (Ariège), perché dans les montagnes et dissimulé par le brouillard matinal, Yuanyuan Niu, 49 ans, commence sa journée comme à son habitude. Armée de son panier, elle déambule dans son vaste jardin, un havre de verdure qu’elle a transformé en un parcours initiatique. Chaque matin, elle inspecte, sent, goûte et cueille les plantes qui inspireront ses créations culinaires proposées en vente locale.
Pour cette artisane, chaque recette doit d’abord captiver par sa beauté, avant d’envoûter par sa couleur, son parfum, son goût et enfin, le sens qu’elle y a mis.
Son jardin, conçu selon les principes de la permaculture, reflète des années d’apprentissage, incluant une immersion de treize jours dans la forêt tropicale thaïlandaise et un enseignement en médecine traditionnelle chinoise auprès d’un maître à Chengdu, en Chine.
C’est ce savoir qu’elle infuse dans ses recettes, des raviolis, nouilles aux rouleaux de printemps, qu’elle a appris dès quatre ans auprès de sa grand-mère. Une cuisine à base de plantes où l’aliment devient médicament. « Lorsque j’ai fait ce stage de permaculture en Thaïlande, ça a réveillé en moi beaucoup de choses qui viennent de mes racines ancestrales », confie-t-elle.
Ancienne journaliste et professionnelle du marketing et du luxe, Yuanyuan Niu – qui préfère aujourd’hui rester loin des caméras – a donc quitté sa vie de citadine en 2018 pour retourner à ses racines et lancer son entreprise, Tampopo, qui signifie « pissenlit » en japonais.
La découverte des plantes sauvages dans leur forme la plus naturelle
Mais ce retour à la nature implique nécessairement la maîtrise de l’ingrédient végétal lors de la cueillette, durant la préparation et lors de son emploi. « Sans cette qualité de relation, les plantes ne sauraient remplir leur rôle, précise l’artisane. Dans mes préparations, on voit l’influence de mon parcours, je veux que ce soit beau, bon et sain ».
Durant plus d’une heure, elle déambule ainsi, repère les ingrédients pour sa recette du jour, le rouleau de saison revisité, et commence à cueillir une fois arrivée tout en haut, à pratiquement 700 mètres d’altitude. Une touche de pissenlit pour sa note acidulée, de l’amarante pour la douceur, de la vergerette du Canada pour son côté piquant, de l’oxalis pour une note d’acidité, de la menthe-coq pour l’amertume et de la stévia pour apporter de la sucrosité.
« Le rouleau c’est ce qu’on mangeait au printemps au moment où on allait visiter les tombes de nos ancêtres. Ça fait partie de la culture chinoise, toute la famille se retrouvait devant un pique-nique », glisse-t-elle. Yuanyuan Niu a choisi une interprétation végétalienne, pour convier le public à la découverte des plantes sauvages locales dans leur forme la plus naturelle, sans cuisson, afin de préserver leurs bienfaits esthétiques, gustatifs et nutritionnels.
Des plantes aromatiques telles que l’origan sauvage, du serpolet, de la sarriette des montagnes ou encore de la sauge officinale viennent enrichir cette création, complétée par des framboises de saison et des feuilles de kiwi du jardin servant d’emballage.
Avec ce plat, elle souhaite surtout montrer aux gourmands que cela n’a rien à voir avec les nems vendus en grande surface… D’autant que la professionnelle change d’ingrédients en fonction des saisons et de ce qu’elle trouve comme plantes et fleurs au coeur de son jardin nourricier.
« On mange avec la tête et on oublie de savourer avec le corps »
Dans sa maison de campagne perchée, une douce musique à l’inspiration indienne vient rompre le silence de la montagne, maintenant dégagée. Sur la table, marinent déjà dans du gingembre les légumes crus. Chou blanc, chou rouge, carottes et riz attendent d’être enveloppés. Avant cela, chaque plante doit être lavée soigneusement pour s’assurer qu’aucune, toxique, ne s’y soit glissée. Puis le rouleau est minutieusement confectionné afin que l’esthétique rencontre la nutrition.
Sous l’œil bienveillant de Yuanyuan Niu, je m’essaie à composer mon propre rouleau de saison. Mes gestes sont maladroits, la feuille de riz se colle à mes doigts, bien trop farcie pour se refermer correctement. Ce qui ne manque pas de faire sourire l’artisane… Malgré ce premier essai laborieux, une seule bouchée suffit à éveiller tous mes sens. Les saveurs se mêlent harmonieusement, révélant la subtilité des associations de plantes…
Malgré l’habitude, l’artisane elle-même ne peut s’empêcher de ressentir une joie profonde en dégustant ses créations. « Souvent, on mange avec la tête et on oublie de savourer avec le corps ! », lâche-t-elle en riant. Avec Yuanyuan Niu, il est certain que « l’expérience gustative » prend ici tout son sens.
Mais pour aboutir à ce voyage culinaire qui nourrit autant le corps que l’esprit, il faut beaucoup de temps et de patience. L’ancienne journaliste consacre toute une journée à préparer une quinzaine de rouleaux de saison, qu’elle propose ensuite à une clientèle restreinte, uniquement en distribution locale et sur commande via un modèle de « Click & collect ».
Des recettes fraîches mais pas seulement….
Sur l’une des tables de l’artisane, des pelures de mandarines sèchent, pour certaines, depuis plusieurs années, commençant à libérer leurs bienfaits pour la digestion.
Yuanyuan Niu ne se contente pas de proposer des recettes fraîches et saisonnières inspirées de la cuisine chinoise. Curieuse et inventive, elle élargit constamment son offre sur son site Tampopo. En plus de ses plats emblématiques, elle propose une variété de condiments et de produits faits maison : du gomashio aux graines d’ortie-agrumes, du sel aux orties fraîches, du sel à l’ail des ours, des sauces sichuan aigres-douces sans gluten, et même du Kombucha, une boisson fermentée.
Récemment, Yuanyuan Niu a expérimenté une nouvelle préparation : une mélasse marinée avec du gingembre, idéale pour apaiser les toux intenses. Elle prévoit de lancer cette recette prochainement, mais toujours en quantité limitée.
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