C’était une tradition très en vogue dans les années 90 et 2000. À raison d’une vingtaine de cérémonies par an, des couples japonais se rendaient à Menton pour y renouveler leurs vœux, dans le cadre d’un voyage de noces. Car nombre d’observateurs de la culture nippone s’accordent sur ce point: dans une quête de romantisme, le mariage à l’occidentale est devenu de plus en plus prisé chez les jeunes générations. Au point que les agences de voyages ont mis les petits plats dans les grands pour développer ce créneau à l’étranger – qui permet notamment d’alléger le poids des traditions.

Pourquoi Menton? La réponse tient en un patronyme. Cocteau. Car c’est aussi un fait: les Japonais raffolent de l’artiste, entre autres parce que son trait spontané pouvait se rapprocher de la calligraphie. Et Jean Cocteau lui-même n’avait pas boudé le pays du Soleil levant, découvert en 1936 dans le cadre de son Tour du monde en 80 jours.

Or, à la question « Quel est le lien entre Menton, Cocteau et convoler en justes noces? », on répondra sans difficulté: la salle des mariages (décorée par le prince des poètes entre 1957 et 1958). Aussi peut-on aisément imaginer le bonheur dans lequel les Japonais férus d’art sont plongés au moment de faire leur confirmation sous la protection des très coctaliens époux mentonnais.

Le tsunami de 2011, puis la récente crise sanitaire avaient érodé cette belle coutume. Jusqu’à… ce jeudi! Jour où Shiho et Kentaro ont foulé le tapis léopard – en présence des parents de la mariée – pour réaffirmer leur amour. Avec Cocteau pour témoin. Et, exceptionnellement, le maire pour officiant.

« C’est une agence événementielle japonaise qui est revenue vers nous. La convention qui avait été signée à l’époque a été réactivée », souligne le chef de cabinet François Leonelli, ancien responsable du protocole. À ce jour, aucun autre couple ne s’est manifesté, mais la mairie table sur environ dix cérémonies du genre par an. De manière à ne pas non plus en priver les Mentonnais.

Réelle mise en scène

« À une époque, l’ambassade du Japon s’était offusquée, mais il faut bien comprendre que ce n’est pas un vrai mariage. C’est davantage du folklore. Tout repose sur une mise en scène: il y a un élu présent, les textes sont lus, les époux signent un parchemin avec une aquarelle de Menton, échangent les alliances. Ils sortent sur une musique avec jet de pétales… » Les époux cherchent ainsi à bénéficier de tous les ingrédients qui font, ici, un mariage réussi. Y compris des éléments peu coutumiers au Japon, tels que les embrassades. Un interprète est présent aux côtés de l’élu pour traduire l’intégralité des serments. Au terme de la cérémonie, des commentaires sur la salle des mariages sont également proposés en japonais.

Les retombées pour la commune? Elles sont réelles. « Je conseille aux organisateurs de ne pas venir un mardi pour que les mariés puissent voir les œuvres de Cocteau au Bastion. Ils font ensuite des photos dans la ville, la visitent. Et dans la convention, il est stipulé que l’on doit avoir recours à des prestataires locaux: hôtel, fleuriste, photographe… », poursuit François Leonelli. Glissant que tout est pris en charge par l’agence. Même les cadeaux remis aux mariés. « Il n’y a rien de gratuit. Et la Ville, elle, ne paye rien. »

Pour la photo, Shiho et Kentaro n’auront pas oublié d’apporter des petites bestioles japonaises – on ne peut plus kawaii* – qui se marient particulièrement bien avec les souvenirs mentonnais.

* »Mignon » en japonais.

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