Aussi discrète qu’omniprésente, Charlotte Ruano (32 ans en novembre) n’est pas la figure la plus connue d’Armandie, mais sûrement pas la moins essentielle. « Je fais tout, sauf parler sportif ! », résume dans un sourire cette fille de rugbyman à Châteauroux (Fédérale 3), biberonnée aux exploits des footeux de La Berrichonne. Avec son étiquette de « team manager » auprès de Sébastien Calvet – qui avait fait passer son CV à Thomas Léger pour un stage il y a dix ans –, elle cumule les casquettes du haut de son mètre 56. « Je m’occupe de tout ce qui est autour du sportif. » Et c’est du sport ! Charlotte Ruano se démultiplie avec une idée fixe : mettre staff et joueurs dans les meilleures conditions pour qu’ils ne pensent qu’au terrain.
Les contrats de travail, les demandes de visas pour les familles, la recherche de logement et de crèche, la mise à disposition d’une voiture, l’accompagnement aux rendez-vous médicaux, les soucis administratifs privés, la dotation en équipements, la billetterie interne pour les matchs, les représentations auprès des sponsors, Charlotte est partout dans l’ombre des joueurs. Jusqu’à remplir la feuille de match et les petits papiers pour gérer les changements avec le quatrième arbitre sur le bord de touche. Le seul moment dans la lumière pour celle qui avait été embauchée à l’administration des ventes. « J’ai pris des responsabilités au fur et à mesure que je dépannais. Dans cette histoire, il n’y avait rien de prévu, rien de calculé. »
Le stress des déplacements
Dans ses multiples missions, il y en a une que Charlotte Ruano gère avec une attention toute particulière : les déplacements, comme ce vendredi à Valence. Quand le SUA joue à plus de 500 km d’Armandie, que les joueurs n’emportent que leur pyjama et leur trousse de toilette, il n’y a pas de place pour l’improvisation. « Quand le calendrier sort, on ne préréserve pas les hôtels, mais on sait où on veut aller. » La force de l’habitude. « On a même des hôtels qui nous appellent ! » Pratique quand la destination est prisée comme Aix-en-Provence au mois d’août. « On s’échange les bonnes adresses dans notre groupe de team managers de Pro D2. C’est utile quand on va dans une ville où on n’a pas de pied à terre ou s’il est déjà réservé. »
« Chaque saison, je me dis que je ne vais plus m’attacher. Mais je suis un cœur d’artichaut ! »
Si elle a ses préférences, c’est que Charlotte est aussi exigeante : « Il faut que l’hôtel réponde à un cahier des charges bien précis, notamment avec une bonne literie adaptée aux gabarits des joueurs, mais aussi au niveau de la nourriture. » En l’absence de diététicien dans le club, c’est le préparateur physique Bertrand Lartet qui valide les menus. « Le poulet-pâtes des jours de match, on n’en peut plus ! » Elle va pourtant encore l’avaler avec le sourire ce vendredi au Mercure de Valence Sud. Une nouvelle destination pour les Agenais. « Je n’avais pas accroché avec l’hôtel la saison dernière. » De là à penser que c’est ce détail – qui n’en est pas un – qui explique la correction (38-21) reçue par le SUA dans la Drôme en avril…
« Ils me le rendent bien »
Pour le prochain déplacement (18 octobre), Charlotte devra aussi s’adapter : « Le Radisson à Biarritz est en travaux, ça perturbe toute la Pro D2 ! » Pas les joueurs qui ont leur routine une fois dans le bus, après le repas du jeudi midi à Armandie. Jeux de cartes, musique, films, à chacun son occupation pour « tuer le temps » jusqu’au coup d’envoi du lendemain soir. « Chaque personne vit les choses différemment, assure le deuxième ligne Mathieu De Giovanni. Moi, j’aime bien rester dans la chambre le vendredi et parler avec les mecs. » Des journées interminables d’attente, même si Sébastien Calvet a remis au goût du jour la balade matinale qui a permis d’aller boire un café en ville lors de la première journée à Aix-en-Provence.
Que le voyage se fasse la veille quand le match est à plus de trois heures de route – « ou si c’est un gros match » – ou le jour même, le départ du stade intervient toujours trois heures après le coup d’envoi (soit 22 h 30 ce vendredi soir). Voilà comment Socino, Purdy et Maunder ont manqué le bus du retour à Aix après avoir joué les prolongations au contrôle antidopage. « C’est la troisième saison que j’organise les déplacements, je n’avais encore jamais eu de problème ! » Celle qui anticipe tout, jusqu’aux bouchons « pour éviter le stress », gère même la composition des duos dans les chambres. « C’est par affinité ou mode de vie. Je mets ensemble les papas, les ronfleurs, ceux qui se couchent tôt… Il faut que ça matche entre eux. »
Voilà pourquoi celle qui fêtera ses dix ans au SUA en mars prochain voyage toujours dans le camion de l’intendant, Philippe Nepveux, pour arriver la première dans les hôtels. Première interlocutrice des recrues, elle reconnaît une « relation particulière ». « Je suis là au début du process, ça crée des liens. Et certains jeunes, je les connais depuis qu’ils sont gosses. C’est vrai que je suis un peu “la nounou”. Mais je le veux bien et ils me le rendent bien. T’es le petit point de repère des bons et des mauvais moments. C’est dur parfois de voir partir des joueurs qui sont devenus des potes. Chaque saison, je me dis que je ne vais plus m’attacher. Mais je suis un cœur d’artichaut ! Le jour où il n’y a plus ce surplus d’humanité, il faut arrêter. »
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