On peut rester en bonne compagnie à voyager avec un âne… De Joseph, Marie et Jésus fuyant en Égypte, à Robert Louis Stevenson traversant les Cévennes, les amateurs du genre furent nombreux. De fait, les civilisations et les siècles ont réservé un sort particulier à ce périssodactyle bourru. Même si ce fut souvent pour en dénoncer les défauts. Grandes oreilles et petit cerveau. De l’ânesse de Balaam à l’âne de Buridan, de l’âne républicain du curé de Camaret aux oreilles d’âne du roi Midas, les bourricots trottinent vraiment beaucoup dans l’histoire ou les mythologies. Colporteurs d’une bêtise têtue, ils imposent aussi quelques tendres vertus. Comme si le fait d’être…
On peut rester en bonne compagnie à voyager avec un âne… De Joseph, Marie et Jésus fuyant en Égypte, à Robert Louis Stevenson traversant les Cévennes, les amateurs du genre furent nombreux. De fait, les civilisations et les siècles ont réservé un sort particulier à ce périssodactyle bourru. Même si ce fut souvent pour en dénoncer les défauts. Grandes oreilles et petit cerveau. De l’ânesse de Balaam à l’âne de Buridan, de l’âne républicain du curé de Camaret aux oreilles d’âne du roi Midas, les bourricots trottinent vraiment beaucoup dans l’histoire ou les mythologies. Colporteurs d’une bêtise têtue, ils imposent aussi quelques tendres vertus. Comme si le fait d’être soi-disant privés de raison les faisait mieux toucher au cœur. C’est muni de ce passeport à quatre pattes que Jean Eimer a voyagé deux semaines dans les Pyrénées. Voici le récit de sa première étape.
Jour 1, village de Béost, en vallée d’Ossau
« Vous venez sans doute pour l’ânesse ? Je l’ai à l’étable. Vous allez voir, elle est ferrée de neuf et ça lui fait drôle. On dirait qu’elle marche sur des œufs ! »
DIMANCHE 24 JUIN. Le village de Béost se trouve en vallée d’Ossau, à portée de fronde de Laruns dont il est séparé par le gave et quelques classiques différends séculaires. Ce matin, les nuages plafonnent vers 1 000 mètres. Les ardoises en prennent curieusement une teinte plus claire. « Monsieur Vignes, s’il vous plaît ? — Lequel ? », répond de l’entrée de sa maison un homme hilare et moqueur. Je précise donc : « On lui a amené un âne hier soir… — Alors c’est là-haut, la maison neuve qui fait l’angle. » Tout se passe très vite. L’action prime sur le décor. Une femme à la fenêtre commence à nous renseigner quand un homme sort en souriant. « Monsieur Vignes ? — C’est moi. Vous venez sans doute pour l’ânesse ? Je l’ai à l’étable. Vous allez voir, elle est ferrée de neuf et ça lui fait drôle. On dirait qu’elle marche sur des œufs ! » Parfum chaud de l’étable. Un chien se glisse vers la porte en baissant la tête. Et là, près d’une mangeoire, deux grandes oreilles à contre-jour. « Vous savez comment elle s’appelle ? — Non. Quand il l’a apportée hier soir, il n’a rien dit. Je crois qu’elle n’a pas de nom. » Caresses et salamalecs d’usage. Si l’ânesse bouge ses oreilles, elle n’en continue pas moins de tirer le foin. Sa philosophie doit être faite depuis longtemps. D’ailleurs elle n’a pas l’air jeune. Petite, chétive, élégante jusqu’à la fragilité, le poil maigre et poussiéreux, sans couleur définie, elle affiche une mine douloureuse qui attire la compassion.
Quelques Béostiens… et un béotien !
Elle se laisse arracher au repas sans rien dire. La voici dans la rue. Elle suit docilement. Quelques Béostiens viennent voir. Le béotien c’est moi : pour la première fois de ma vie je conduis un âne par son licol et j’en suis tout nigaud. Les avis divergent. Pour certains observateurs, la bête boite. Pour d’autres, elle a les manières d’une fillette chaussée de neuf. Le fait est qu’elle avance ses pattes dans une lenteur de ralenti pour leur faire gagner quelques misérables centimètres à chaque pas. Je la conduis près de la voiture et nous la bâtons. On m’enseigne les usages. Ils sont bizarres : la courroie que j’aurais fait passer sur le poitrail trouve place sous la queue ! À cela près, le vieux bât de bois déniché à Laruns fait merveille et les deux gros sacs de sport dans lesquels j’ai rangé l’essentiel de nos affaires sont ficelés sans difficulté. L’équilibre est trouvé du premier coup.
50 millions et des amateurs d’âneries…
Il me reste à passer le sac à dos où je garde les cartes, les guides, l’argent et quelques objets personnels ; à donner trois sucres à l’ânesse ; enfin à serrer des mains. Bon voyage ! Je n’ose me retourner, craignant d’apercevoir des sourires en trop…
Si le départ s’est effectué dans un temps record, me privant même d’en goûter les charmes espérés, la préparation du voyage n’a pas été simple affaire. Grosso modo, il existe 50 millions d’ânes sur la terre. Les plus gros contingents se trouvent en Chine, puis en Ethiopie, au Mexique, au Brésil, en Iran, etc. La France arrive très loin dans ce classement. Ce qui peut réjouir les amateurs d’âneries faciles, mais qui a singulièrement compliqué ma tâche. Certes, l’espèce n’est pas encore menacée dans les Pyrénées, où Gavarnie constitue un réservoir considérable. Mais ce ne sont plus que des animaux de cirque qui braient dans un bruit de tiroir-caisse. Du folklore industriel. L’âne n’est plus l’indispensable auxiliaire de travail qu’il fut pendant des siècles pour le montagnard. Aussi ses effectifs baissent rapidement et il est devenu difficile d’en trouver en location pour un voyage. À preuve : l’ânesse qui m’a été prêtée avec tant de gentillesse vient de Laroin, un village de la banlieue paloise bien éloigné des montagnes (1).
À peine sur le pont, elle s’arrête
Un mot sur ce voyage. L’intention n’est pas si pure que cela. Il s’agit d’offrir aux gens de rencontre une Image vieillotte susceptible de chatouiller les nostalgies. Partant, de rapprocher pour tenter de mieux aimer. Et, pourquoi pas, de mieux comprendre ! Nous voici au bas de la cote, à l’entrée du pont qui enjambe le gave. De son petit pas rhumatisant, l’ânesse me suit sans la moindre réticence. Déjà, j’envisage ce voyage comme une longue balade heureuse. Tout ce qui traîne partout sur le sale caractère des ânes sera-t-il bobard et racontar ? Hypothèse délicieuse. Mais à peine engagée sur le pont, l’ânesse s’arrête. Je lui parle. Je la caresse. Je raccourcis la corde du licol. Une voiture en profite pour déboucher à fond de train de l’autre côté du pont. L’ânesse prend peur. Tout à coup dotée d’une étrange vivacité, elle réussit une volte brutale et s’enfuit en trottant vers Béost…
(1) Ce voyage n’aurait jamais pu se faire sans l’aide amicale et très précieuse de Jean Larrieu (Laroin), Alexis Drouilhet (Jurançon), André Fabre (Laruns) et André Toulet (Lons). Qu’ils veuillent trouver ici l’expression de notre gratitude.
L’auteur
Aujourd’hui retraité, Jean Eimer a mené l’essentiel de sa carrière journalistique à Bordeaux, où il a dirigé les pages culturelles de « Sud Ouest » comme la rédaction de « Sud Ouest Dimanche ».
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